Cadre

Résidence artistique au Lycée Professionnel Agricole de Rivesaltes

A propos

Nous sommes 3 artistes, de domaine différent, nous avons décidé de nous réunir pour : poser un cadre.
Poser un cadre. Et attendre.

Notes d’intentions personnelles

Envies
par Jean-Philippe Lambert

Apporter un cadre, vide, dans un lycée agricole, c’est y planter les fondations de notre proposition : une oeuvre ouverte in situ. John Cage utilisa un piano et 4′33 de silence pour disposer les auditeurs à tout écouter, y compris eux-mêmes, certain que le silence n’existe pas, pas même dans le désert, pas même les oreilles bouchées. Le vide m’inspire confiance, car à travers chaque ouverture, il aspire les envies et favorise les réalisations.

Pour qui ? Pour nous. Nous, c’est tout le monde du lycée, à la présence plus ou moins longue, moi aussi. Il s’agit d’une invitation réciproque, afin de profiter du temps suspendu ensemble. Un espace proche du bal, où la participation est possible à tout moment, où le cavalier peut conduire en confiance, où les rôles peuvent changer, où tout est possible.

Il faudra entretenir l’écoute active, les sens aiguisés, sinon l’attente optimiste sera déçue. J’y serai attentif. Et nous serons ensemble. Déjà Elsa et David et puis qui voudra.

Alors, l’oeuvre se matérialisera, dans des réalisations qu’elle dépassera. Elle ne sera pas contenue dans un cadre de 9 m3 et quelques semaines, mais sera portée par chacun des participants. Quand le vide aura disparu, les ouvertures resteront, à travers lesquelles l’oeuvre se diffusera.


Motivations
par David Olivari

Une expérience de plus
J´attends de me retrouver au milieu des élèves dans la situation du présumé coupable d’être artiste. Je veux ainsi confronter ma position et mon point de vue concernant la place de l´art dans la société civile.

(In) certitudes
Cette situation d´exposition loin d´être terrible est, à mon avis, un bon moyen d´affiner, de clarifier ma position d´artiste. Se placer dans un environnement, a priori, non acquis ou sans avis sur la légitimité de l´art contemporain autorise beaucoup de chemins et d´issues et ne prévaut pas de la réussite ou de l´échec du projet ni même de sa forme finale. Seul le bien fondé de la démarche est posé comme hypothèse de départ.

Zone Autonome Temporaire
Le partage d´une unité d´espace-temps très nette définie le cadre support de nos possibles, je veux en être un des artisans pour l´occuper et avancer.

Non-intentions
Je ne veux pas être un donneur de leçons : je demanderai que les élèves soient vigilants et me préviennent en cas de dérive paternaliste. Je ne suis pas un médiateur social : dans tout groupe, il existe des tensions, des clans : je ne serai pas pris en otage.

Je ne suis pas un bon samaritain : la séduction, la détresse, les difficultés sociales, sentimentales et relationnelles sont des composantes fortes de l´adolescence, sans les nier, je veux m´attacher à l´instant de ma présence.

Je ne promettrai rien : chacun doit se nourrir de l´expérience et en profiter le temps de la résidence. L´avenir ne m´appartient pas.


Propos
Par Elsa Decaudin

Attendre, c’est un état, c’est un fait, c’est une durée, c’est un rythme, c’est un espace.
Attendre quoi ? attendre qui ? attendre où ? attendre comment ? attendre avec …
L’attente, c’est aussi un manque, un vide
Qu’on fuit. Qu’on savoure
La patience, l’impatience.
On remplit.
L’attente de plusieurs choses,
Temps d’attente qu’on fragmente
Parfois : la frustration.
Et aussi : le plaisir
L’attente, elle se nourrit.
On est là, disponible ou pas.
Quelquefois : l’ennui.
Et puis avec le temps, ça vient,
L’envie, des envies : on fait.
On se surprend même.
Quel suspense !
On désire, on s’irrite, on veut, on s’énerve
On est là.
Suspendu. Dépendant.
Question de choix ?
Choisissons nous d’attendre, subissons nous l’attente ?
Peut-on en rêver ?
Est ce que les animaux attendent ?
L’attente est-elle une émotion ?
Est ce que les fleurs attendent ?

Déjà je suis trop impatiente, je veux trop. Poser un cadre en extérieur, dans un lycée agricole, avec un thème « nature sensible », c’est peut-être vouloir se rapprocher d’un rythme naturel, l’illusion d’une attente plus sereine.

Surtout, je veux prendre des risques, avec David et Jip, avec la communauté scolaire. Dans ce temps, lorsqu’il est disponible, de l’attente, tout peut se passer. Et ce sera à nous de le réaliser.